Canapé coincé dans les escaliers, araignée trop grosse, linge envolé par la fenêtre… En 2019, les pompiers ont reçu deux millions d’appels et fait 507 000 interventions, dont 100 000 abusives. Alors ils ont monté une vidéo pour dire «stop» !
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Les pompiers, déjà débordés, sont victimes tous les ans de nombreux appels abusifs. LP/Olivier Boitet
Par Céline Carez
Le 24 janvier 2020 à 18h52, modifié le 24 janvier 2020 à 21h22
Journal LE PARISIEN Ile de France & Oise/Paris
Ils disent stop! et avec humour. Les pompiers de Paris ont lancé un « appel à toutes les unités » et surtout aux Franciliens! La raison? Que cessent les appels abusifs au 18 (ou 112, le numéro européen), la plate-forme de secours. Selon les militaires de la BSPP ( Brigade de sapeurs-pompiers de Paris ) qui sont compétents sur Paris et les trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), une intervention sur cinq n’est pas une urgence vitale quand elle n’est pas carrément fantaisiste!
En 2019, les pompiers ont reçu en tout deux millions d’appels. Et ont déclenché 507 000 interventions, dont 100 000 abusives. Tanguy, 31 ans, caporal à la BSPP depuis 12 ans et affecté à la plate-forme depuis 4 ans, résume la situation : « Au 18, le tragique côtoie le ridicule. »
« Vous allez me prendre pour une folle, lance cette femme, mais j’ai aperçu dans mon salon une araignée grosse comme le pouce d’un homme ! » Ou encore : « On fait un déménagement. Le canapé est coincé dans le virage de l’escalier. Est-ce que vous pouvez venir ? » Ou encore cet homme au ton nonchalant qui assure aux sauveteurs : « Je me suis abîmé la cheville en mode méga bad… » Ou enfin, le grand classique des fins de soirée, l’auditeur dont on devine la voix qui traîne et la bouche pâteuse et qui demande l’assistance des pompiers parce qu’il ne « se souvient plus où il habite ! »
«Un appel abusif, c’est du temps de perdu, s’agace Tanguy. C’est du temps qu’on nous prend au détriment d’une vraie urgence, ce sont nos lignes qui sont mobilisées. Nous sommes appelés sur des requêtes qui n’ont aucune légitimité par des gens qui n’ont aucune jugeote. »
«On n’est pas dans la bobologie»
Les militaires ont donc frappé fort ! Les vidéastes du service image de la BSPP — une unité spéciale qui habituellement accompagne les pompiers sur leurs grosses interventions pour les filmer et photographier afin d’alimenter leurs Retex (retour sur expérience) et les médias — ont concocté cette petite vidéo de 3 minutes intitulée « Petit best-of 2019 ». « On espère, décrypte le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte parole de la BSPP, qu’elle va créer une prise de conscience. Il faut que le Parisien citoyen soit le premier acteur du secours. »
En plus d’être drôle, le petit film nous plonge dans la réalité de leur plate-forme, ouverte 24 heures/24, 7 J/7, 365 jours dans l’année. Le QG des pompiers, qu’ils partagent d’ailleurs avec une vingtaine de policiers depuis 2016, qui eux sont joignables au 17, est situé en souterrain, à la caserne Champerret (XVIIe), bien connue des Parisiens.
« Notre mission, insiste Gabriel Plus, réside dans l’urgence vitale, le massage cardiaque, les hémorragies, le garrot, le transport à l’hôpital. On n’est pas dans la bobologie. Nous ne sommes pas des assistantes sociales. Et on en a marre d’être pris pour des taxis rouges ».
Seule consolation chez les militaires, l’année passée se révèle « meilleure » que 2018, où les pompiers ont fait 523 000 départs après le tri des appels. Cette année 2019 terminée, ils en comptent 507 300. Plusieurs raisons à cette légère baisse selon Gabriel Plus : « On est meilleurs dans le tri des appels. Et beaucoup de particuliers ont été formés aux premiers gestes de secours, notamment après les attentats. »
«Un hamster coincé derrière le frigo»
Il n’empêche… sur la plate-forme, Tanguy, casque aux oreilles continue à voir arriver « les petits rigolos. Et à vite les repérer… Une personne en détresse crie. Le fantaisiste tourne en rond. » Entre pompiers au téléphone, ça donne parfois des fous rires :« On est soudés »
« Il y a cette dame qui téléphone dix fois de suite et parle à chacun d’entre nous parce qu’elle perd la télécommande de sa télé qui tombe derrière le canapé, ou celui qui nous appelle parce que son hamster est coincé derrière le frigo, la locataire qui a son étendoir à linge sur son balcon qui s’est envolé chez le voisin ou encore ce monsieur qui dit avoir été blessé à l’arme blanche et qui en fait s’est juste éraflé la main avec le grillage de son jardin… » énumère encore Tanguy. « Le problème, poursuit-il, c’est que les gens estiment que nous sommes un service public et donc gratuit, que nous sommes à leur service. »
Au 18, tous les appels sont enregistrés, « ça permet une traçabilité », justifie Gabriel Plus. Plusieurs fois par an, ces enregistrements sont d’ailleurs requis par la justice, dans le cours de procédures. Il y a aussi les agressions verbales à destination des pompiers… « C’est tous les jours », regrette Tangy.
Le militaire a d’ailleurs porté plainte la semaine dernière après s’être fait violemment insulter. Au 18, il faut non seulement savoir faire le tri mais aussi « être efficace, rapide, avoir de la distance, ne pas se laisser submerger par les émotions », ni par les fantaisistes…